La joie de Dieu dans un cœur tout donné !

Il y a de ces femmes qui vous marque au fer rouge dans nos vies. Sans compter ma mère qui m’a donné la vie et la foi, je repense à Mlle Bernice Parent, Mlle Alice Pinsonneault, Sr. St-Gilbert. Ce sont des professeurs de l’école primaire qui ont marqué mon intelligence tout autant que mon âme. Mais la vie avance et d’autres femmes croisent notre route... et ouvrent des sillons qui laissent des traces permanentes en nous.

Je viens d’apprendre cet après-midi la triste nouvelle de l’enciellement d’une de celles-ci, une bonne amie et une grande dame: Marie-Paule Emond. Si je n’avais pas été si gêné lorsque je l’ai connue, elle serait devenue une mentore pour m’accompagner dans mon parcours spirituel. Mais malgré cela, elle a été présente à divers moments et je ressens aujourd’hui une peine de savoir que je n’entendrai plus sa voix posée, que je ne lirai plus ses lignes toutes simples.

Marie-Paule  est entrée dans la maison du Père tôt le 25 juin. Voilà que son rêve de faire la grande rencontre s’est accompli. Sans doute que le Père est sorti en courant pour recevoir sa fille bien-aimée. En paraphrasant les paroles de l’évangile, elle a sans doute entendu au plus profond de son cœur, ces mots si consolants:  « Très bien, servante bonne et fidèle, tu as été fidèle pour peu (pour bien) de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur » (cf. Mt 25, 21).

J’avais à peine 20 ans quand j’ai connu Marie-Paule. Je commençais à peine mon cheminement au sein de l’Institut Séculier Pie X et elle avait l’âge que j’ai aujourd’hui. Déjà une femme mûre, elle portait pourtant un feu intérieur qui inspirait tous ceux et celles qui croisait sa route. Son sourire contagieux, son sens profond de l’écoute, sa capacité d’inviter toute personne à se dépasser nous inspirait à aller toujours au-delà, « un peu plus haut, un peu plus loin », en quête du rêve impossible. Car elle savait – elle savait ! – que notre Dieu est le Dieu de l’impossible !

Devenir la meilleure version de soi-même

Née le 22 mai 1920 dans la région d’Ottawa, Marie-Paule a connu l’Action catholique, notamment la Jeunesse Étudiante Catholique (JEC); elle s’est jointe à ce mouvement en croyant fermement que chaque petit geste du quotidien mènerait à la transformation du monde. Mais l’implication dans un mouvement n’est pas suffisant pour cette femme toute donnée;  elle est devenue membre des Équipières sociales, un institut séculier féminin fondé à Montréal et à Ottawa en 1940 par Marie-Jeannette Bertrand, docteure en sciences sociales. Le groupe, composé de jeunes femmes laïques, s’est occupé de diverses œuvres sociales catholiques. Premier Institut séculier canadien à être approuvé par l’Église, les Équipières sociales a été érigé comme institut de droit diocésain le 2 février 1953.

Marie-Paule, s’étant formée en service social, a travaillé pendant de nombreuses années auprès des enfants abandonnés. Elle a collaboré à la création de foyers pour accueillir des enfants délaissés et souffrant de maltraitance. Elle s’occupait des filles délinquantes et abandonnées qui lui étaient confiées par la cour. C’est par son travail qu’elle se retrouvait souvent dans les corridors et les salles du tribunal de la jeunesse pour accompagner des jeunes. Femme de foi, elle croyait à la deuxième chance, à la troisième, à cette possibilité de toujours reprendre sa vie en mains pour devenir la meilleure version de soi-même.

Femme toute donnée, elle a participé à la création de la Conférence canadienne des Instituts séculiers il y a plus de 50 ans, avec des collègues d’autres instituts séculiers présents au Canada. On pense, entre autres, à Gabrielle Lachance et Paul-M. Demers, respectivement des Oblates missionnaires de Marie-Immaculée et de l’Institut Séculier Pie X. Sa participation et son engagement constants et fidèles à la Conférence canadienne des Instituts séculiers (CCIS) et à la Conférence mondiale des Instituts séculiers ont fait d’elle une femme de référence pour la promotion de la vie consacrée séculière.

Au cours des années, j’ai été béni de garder le contact avec cette femme hors du commun. Parfois, c’était lors d’une réunion ou d’une retraite spirituelle; d’autres fois, c’est une lettre écrite de sa main ou un appel téléphonique qui permettait de reprendre contact. Ou encore une visite à la maison du boulevard Wilfrid-Pelletier à Anjou qu’elle partageait avec des compagnes des Équipières Sociales, un repas partagé à la résidence de personnes âgées du boulevard Gouin ou une visite au CHSLD Pierre-Joseph-Triest à Montréal où elle a vécu les derniers mois de sa vie. Mais à chaque fois, Marie-Paule savait m’inviter – sans doute le faisait-elle avec toutes les autres personnes qui passaient dans sa vie – à toucher l’essentiel.

Ma dernière visite avec Marie-Paule a eu lieu il y a quelques semaines. C’était une visite surprise en compagnie de Marie, la secrétaire de la CCIS, sur le chemin du retour d’une rencontre. Arrivés auprès d’elle, on aurait dit qu’elle nous attendait… Toute rayonnante, bien mise comme toujours, elle nous a entretenu des liens qu’elle a créés au CHSLD, des amitiés qui perdurent depuis des décennies, de son espérance pour l’Église et la société. Elle s’est intéressés aux connaissances et amis de la CCIS, en se remémorant des beaux moments du passé mais en nous encourageant de continuer d’aller de l’avant pour que cette vocation consacrée séculière puisse rayonner encore plus. Son sourire et sa joie de vivre témoignent de la joie de Dieu dans un coeur tout donné !

En rendant grâce au Maître de la vie pour la longue vie pleine et féconde de Marie-Paule, je demande deux choses au Seigneur. D’abord, qu’il me donne, qu’il nous donne, de répondre avec autant de fidélité et de générosité, avec autant d’amour désintéressé, à chacun des appels qui nous sont faits. Le témoignage de don total s’est exprimé dans cette femme extraordinaire; que nos vies puissent aussi refléter le même don ! Et finalement, que se lèvent des hommes et des femmes de la trempe de Marie-Paule pour que notre monde puisse vivre d’une espérance folle… car ensemble, un petit geste à la fois, nous bâtirons la cité nouvelle ! À bientôt, Marie-Paule… ce n’est qu’un au revoir !

Partagez sur vos réseaux sociaux:
Facebook
Twitter
Pinterest
LinkedIn

Nouvelles qui pourraient vous intéresser